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Virginie Diaz : il devient urgent de valoriser notre métier

Rédigé par Mathieu JAHNICH, publié le 22 janvier 2021

Virginie Diaz

Le cycle de témoignages « La #comresponsable en action » se poursuit avec Virginie Diaz, responsable marketing, communication et RSE dans le Groupe Keolis (secteur Languedoc).

Extraits : « Lorsque je bâtis une stratégie de communication, je m’interroge en permanence sur l’impact de la création publicitaire auprès du public visé, des différentes parties prenantes, sur la construction des messages, sur le processus de fabrication des outils, et surtout sur les preuves concrètes de mon action. » « Nous devons continuer à défendre la communication responsable, et cela passe tout d’abord par une forme d’autocritique, de dénonciation entre professionnels pour faire grandir des pratiques plus vertueuses et je l’espère, à terme, les intégrer dans nos modes de fonctionnement. » « Notre rôle est de combattre ce mauvais usage de la com’. Il ne s’agit pas de communiquer à tout prix mais de bien communiquer, avec sincérité, en apportant la preuve de son discours, en démontrant que le chemin est long mais pas inatteignable… »

Virginie Diaz : « il devient urgent de valoriser notre métier »

Bonjour Virginie et bienvenue sur mon blog. En quelques lignes, pouvez-vous décrire votre parcours et la fonction que vous occupez actuellement ?

Post-bac, je me suis très vite orientée dans un parcours professionnalisant dans le cadre d’un DUT info/com. J’ai trouvé un job à la sortie de mon stage dans une agence de relations presse/relations publiques et à 20 ans, j’étais déjà dans la vie active ! C’était très formateur. Après trois années, l’un de mes clients, Keolis Lyon, délégataire du réseau des Transports en Commun Lyonnais m’a proposé de rejoindre l’entreprise en tant que responsable des relations presse et des partenariats. Et depuis près de 20 ans, mon métier au quotidien est d’accompagner les collectivités dans leur politique de transport public, de la valoriser et de la promouvoir pour développer la mobilité partagée. Je n’avais pas imaginé au départ que je resterai si longtemps dans ce secteur d’activités. Finalement, cette expertise m’a permis d’évoluer dans des entreprises de différentes tailles, de découvrir des territoires aux problématiques de mobilités spécifiques, et surtout de rencontrer des personnes passionnées par ce métier.

Actuellement, je suis responsable marketing, communication, RSE au sein du Groupe Keolis, référente sur six filiales dans les départements de l’Hérault et du Gard.

À quel moment avez-vous « basculé » dans une approche plus responsable de votre métier ? Savez-vous ce qui a provoqué votre prise de conscience ?

En 2011, un ancien professeur de mon DUT Info/Com m’a proposé d’intervenir auprès d’étudiants dans le cadre d’un tout nouveau module de formation, intitulé à l’époque « communication citoyenne ». Pour préparer mes cours, j’ai cherché des cas pratiques de greenwashing, travaillé sur une grille de critères de com’ responsable avec d’autres intervenants, démarré l’écriture d’un blog (« l’enfer, c’est la com’ » ) … Je crois que c’est là que tout a « basculé », par la transmission, l’envie de défendre mon métier, de le rendre plus noble auprès de ces futurs communicants.

J’en profite au passage pour remercier mon prof qui m’a guidé vers une nouvelle approche plus responsable de mon métier. Merci M. Dupont !

Concrètement, comment se traduit votre engagement dans votre activité au quotidien ? Avez-vous le sentiment de faire un métier différent d’avant/des autres ?

Lorsque je bâtis une stratégie de communication, je m’interroge en permanence sur l’impact de la création publicitaire auprès du public visé, des différentes parties prenantes, sur la construction des messages, sur le processus de fabrication des outils, et surtout sur les preuves concrètes de mon action. J’essaie juste d’être le plus possible en cohérence avec mes convictions profondes et mon engagement pour une communication plus responsable.

En parallèle de mon activité professionnelle, je partage régulièrement des articles sur mon profil LinkedIn, je valorise des marques aux pratiques exemplaires ou à contrario je n’hésite pas à dénoncer des cas de «greenwashing ». Je développe également mon réseau avec d’autres professionnels engagés dans cette voie… comme toi Mathieu ! Il est important de réaliser que d’autres comme nous militent pour développer cette pratique du métier de communicant, se rassembler nous rend toujours plus fort.

J’aimerai aussi reprendre l’écriture de mon blog que j’ai dû mettre en pause quelques années (vive les enfants !), mais c’est un outil très utile pour être toujours en veille, développer sa curiosité, et en toute humilité, faire prendre conscience aux marques de l’impact de leurs messages sur la société.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ? Y a-t-il des idées reçues contre lesquelles vous devez lutter ?

Il y a 10 ans, quasi personne ne comprenait bien mon « petit » combat personnel pour la communication responsable. Je dirai même qu’on ne saisissait même pas le concept, y compris des confrères. « Communication » et « responsable », est-ce bien possible ? Encore un « coup de com’ » ? J’ai dû souvent répondre à ce type de commentaires, argumenter pour expliquer que mon métier ne consistait pas uniquement à choisir des couleurs ou à manipuler les masses. C’est assez caricatural mais la com’ fait l’objet aujourd’hui d’une telle défiance auprès du grand public, qu’il devient urgent de valoriser notre métier autrement. « La com’ » traverse une telle crise structurelle qu’on ne l’écoute plus… Un bien triste état de fait pour nous tous, professionnels, dont l’essence même de notre métier est de transmettre des messages. Dans une étude récente de l’Observatoire du goodvertising, la moitié des français estiment encore aujourd’hui que la communication responsable des marques n’est autre que du greenwashing. Le chemin est long mais nous devons continuer à défendre la « communication responsable », et cela passe tout d’abord par une forme d’autocritique, de dénonciation entre professionnels pour faire grandir des pratiques plus vertueuses et je l’espère, à terme, les intégrer dans nos modes de fonctionnement.

À l’opposé, quelles sont les satisfactions que vous trouvez dans votre activité ? Où puisez-vous votre énergie ? Est-ce que vous aimez votre travail/activité et pourquoi ?

J’ai la chance de travailler dans un secteur d’activité où mon job consiste à promouvoir la mobilité durable. Quand ma fille me demande ce que je fais tous les jours au travail, je lui réponds simplement « j’essaie de faire en sorte que davantage de gens prennent les transports en commun et moins la voiture », et elle rétorque à juste titre, « mais toi tu prends la voiture ! ». Et bien là, cela me permet aussi de lui expliquer qu’on ne peut pas toujours être complètement en phase avec ce que nous faisons dans nos actes quotidiens. On s’efforce juste de faire de notre mieux, d’être le plus fier possible du travail accompli et si nous obtenons des « petites » victoires, c’est déjà pas mal.

Dans mon contexte métier, il est peut-être plus facile d’appliquer les principes de la com’ responsable, d’être plus alignée avec cette quête de sens. Je pense néanmoins que cette pratique de la communication peut s’appliquer à tous secteurs d’activités : banque, assurance, alimentaire, textile… Tous ces secteurs sont indispensables aujourd’hui dans le fonctionnement de notre société. La question est comment peuvent-ils s’engager pour changer en profondeur leur business model et contribuer aux enjeux de demain qui sont principalement liés à la préservation de notre environnement. Cette quête de sens peut et doit rassembler tout le monde, tous secteurs, métiers confondus, il n’existe plus de hiérarchie lorsqu’il s’agit d’offrir un avenir meilleur aux générations futures. À nous, communicants, d’utiliser notre pouvoir de conviction, notre capacité à actionner les bons messages pour faire grandir les organisations dans cette voie !

Pouvez-vous nous présenter un ou deux projets/réalisations dont vous êtes particulièrement fière ?

Il y a deux projets dont je suis particulièrement fière.

Le premier projet date de 2011, j’avais monté à l’époque un plan de com’ pour  convaincre le SYTRAL (Syndicat Mixte des Transports de l’Agglomération Lyonnaise) de mettre en place son service de lignes de bus de nuit (Lignes Pleine Lune) le soir du réveillon du 31 décembre, en partenariat avec la Sécurité routière. De mémoire, le projet n’a pas été déployé la première année mais il a été mis en place l’année suivante, puis abandonné et réactivé des années plus tard avec cette fois une véritable offre de service de nuit (bus, métro, tram…). A l’époque, je me souviens qu’on me disait que ce projet ne pourrait jamais voir le jour… Ce que je retiens, c’est qu’il faut savoir parfois planter des « graines » et attendre. La patience et la persévérance finissent toujours par payer. Je ne travaille plus sur le réseau lyonnais mais je me plais à me dire que j’ai peut-être un peu contribué à faire grandir une idée…

L’autre projet qui me tient à particulièrement à cœur, c’est un important programme de sensibilisation au port obligatoire de la ceinture de sécurité dans les autocars. Il faut savoir qu’à partir de l’âge de 12 ans, 70% des enfants ne s’attachent plus or c’est la principale cause de mortalité en cas d’accidents graves. Depuis 2018, je participe à développer ce programme avec différentes actions de com’, notamment la tournée d’un car pédagogique dans plusieurs établissements scolaires des départements du Gard et de l’Hérault. Chaque année, nous partons à la rencontre de près de 1000 jeunes. Nous avons également déployé des « nudges » à bord des autocars (outils visuels pour inciter à mettre la ceinture), une stratégie digitale sur les réseaux sociaux… Vous pouvez suivre ce projet sur la page Instagram de Leo et Charlotte.

Chaque jour, Keolis transporte des milliers de scolaires, et en tant qu’opérateur de mobilité, nous portons donc une lourde responsabilité en matière de sécurité. C’est notre rôle de les sensibiliser à ces bons comportements qui peuvent leur sauver la vie. Le risque zéro n’existe pas, en revanche nous pouvons prévenir pour éviter le pire.  Voilà une action de communication responsable dont je suis très fière et j’ai toujours un grand plaisir à chercher chaque année des nouveaux leviers créatifs pour faire passer ce message à ces ados rebelles J.

Pour terminer, avez-vous un conseil à donner ou une idée force à transmettre aux lecteurs de ce blog ?

La com’ RSE est encore trop souvent récupérée par les marques pour redorer leur image. Notre rôle est de combattre ce mauvais usage de la com’. Il ne s’agit pas de communiquer à tout prix mais de « bien » communiquer, avec sincérité, en apportant la preuve de son discours, en démontrant que le chemin est long mais pas inatteignable… La com’ responsable n’est ni plus ni moins qu’un mélange de sincérité et d’humilité. Elle nous permet d’expliquer nos axes d’amélioration pour contribuer demain à un monde plus durable, plus respectueux de notre environnement.

Je vous conseillerai aussi de lire certains ouvrages comme De la publicité à la communication responsable de Yonnel Poivre-Le Lohé ou encore Des vents porteurs de Thierry Libaert.

Ces réflexions me guident parfois lorsque je dois maîtriser ce jeu d’équilibriste permanent, dois-je ou non communiquer ? Car cela peut arriver aussi de tomber facilement dans le greenwashing sans même s’en apercevoir. On ne changera pas du jour au lendemain la nature profonde du communicant, qui est avant tout de saisir toute bonne opportunité pour valoriser son organisation, la seule véritable question que l’on doit se poser avant de le faire, c’est : suis-je cohérent pour diffuser ce message à mon public cible ? Si vous avez le moindre doute, mettez cette campagne de côté, convainquez votre boss que ce n’est pas le bon moment, ce sera certainement contre-productif, pire vous risquez de nuire à la réputation de votre organisation par la dénonciation des parties prenantes.

Un jour, votre organisation sera prête, forte et légitime pour se positionner sur des messages RSE et elle en sortira d’autant plus grandie dans son business et dans l’engagement de ses collaborateurs. Tout le monde est gagnant si la prise de parole est juste, sincère et au bon moment. Il faut juste faire preuve d’un peu de patience, on ne gagne pas sa crédibilité avec « un coup’ de com » mais dans la durée, seules les entreprises/organisations qui ont compris cela sauveront leurs activités dans les 30 prochaines années.

À vous de jouer, défenseurs de la com’responsable !

Connectez-vous au profil LinkedIn de Virginie et à son blog pour suivre son actualité.

La #comresponsable en action

Dans le contexte actuel de remise en question de la filière communication, le cycle d’entretiens « La #comresponsable en action » valorise les professionnelles et les professionnels qui s’engagent dans des pratiques plus responsables. Chez l’annonceur, en agence ou freelance, dans le privé, le public ou le secteur non-marchand, avec une certaine expérience ou un regard neuf… toute la diversité de la filière communication est représentée. Quel a été leur parcours ? Quelles sont les difficultés rencontrées et les sources de satisfaction ? Quels sont les projets dont elles ou ils sont particulièrement fières et fiers ?

Retrouvez sur cette page la liste de tous les témoignages.

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