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Greenwashing : la mode dans le viseur des autorités de protection des consommateurs
Rédigé par Mathieu JAHNICH, publié le 13 mai 2025

Alors que la proposition de loi anti-fast fashion devrait enfin être examinée au Sénat la semaine prochaine et que Shein lance une vaste campagne de publicité décriée, les autorités de protection des consommatrices et consommateurs d’une vingtaine de pays, dont la France, viennent de rappeler aux entreprises du secteur de la mode et du textile l’importance de se conformer à la législation lors de la formulation d’allégations environnementales. Dans ce nouveau numéro de Greenwashing News, le quinzième, je vous présente les éléments clés de cette lettre ouverte et des conseils pratiques.
À noter qu’en France, la DGCCRF a réalisé une vaste enquête en 2022 et 2023 auprès de plus de 800 entreprises du secteur, dont les résultats ont été publiés en juin 2024 sous le titre : « Derrière l’étiquette : la sécurité et la loyauté des textiles et chaussures ». Vous trouverez une synthèse des résultats de cette enquête dans un précédent numéro de Greenwashing News.
J’ajoute que l’équivalent de la DGCCRF au Royaume-Uni, la Competition and Markets Authority (CMA), a réalisé une enquête similaire et a publié en septembre 2024 un guide pratique anti-greenwashing très complet, à destination de ces mêmes acteurs de la mode et du textile : « Green claims in fashion ». Je vous en recommande la lecture.
Avec le secteur aérien et celui des eaux en bouteille en plastique, le secteur de la mode et du textile est clairement dans le viseur des autorités de la concurrence mais aussi des ONG de défense des consommateurs et de protection de l’environnement. Plusieurs procédures sont d’ailleurs en cours contre Adidas et New Balance ou encore Lululemon en France, Shein en Italie, Copenhagen Fashion Week et sept marques au Danemark, On en Suisse…
Pour mieux comprendre et anticiper le cadre déontologique et réglementaire, pour balayer les principales affaires en cours et la jurisprudence, pour comprendre comment valoriser vos engagements et réduire le risque de critiques, je vous invite à suivre la Master Class Greenwashing. Une nouvelle session de formation de 3 heures est ouverte le mardi 3 juin. Clémentine Baldon, avocate à impact, sera à nouveau à mes côtés pour vous faire bénéficier de son expertise unique en matière de lutte contre le greenwashing.
Allégations environnementales : les principes de base à respecter pour ne pas tromper les consommatrices et consommateurs
Le Réseau international de contrôle et de protection des consommateurs (en anglais International Consumer Protection and Enforcement Network – ICPEN) est une organisation composée des autorités chargées de l’application de la législation en matière de protection des consommateurs dans plus de 70 pays dans le monde. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en est l’un des membres de l’ICPEN depuis sa création en 1992.
Fin avril, vingt membres de l’ICPEN, dont la DGCCRF, ont écrit une lettre ouverte aux entreprises du secteur de la mode et du textile pour souligner l’importance de se conformer à la législation sur la protection des consommateurs lors de la formulation d’allégations environnementales. Je remercie Tanja Gotthardsen pour l’info. En voici les principaux éléments.
La lettre encourage les entreprises à revoir leurs pratiques commerciales et à s’assurer que leurs déclarations environnementales sont conformes au droit de la consommation. Si les lois nationales peuvent varier, certains principes de base sont communs :
- Veiller à ce que les déclarations soient véridiques, claires et précises.
- Les allégations environnementales doivent porter sur des améliorations significatives dans des domaines importants. Les entreprises ne doivent pas exagérer les qualités environnementales de leurs produits ni mettre en avant des aspects non pertinents ou une amélioration marginale de l’impact du produit sur l’environnement.
- Ne faire des déclarations que lorsqu’il existe déjà des preuves suffisantes pour les étayer.
- Éviter les affirmations non fondées concernant les aspirations futures et se concentrer sur les mesures spécifiques déjà prises ou en cours pour atteindre les objectifs futurs.
- S’abstenir d’utiliser des affirmations vagues et générales, telles que « écologique », « vert » ou « durable ».
- S’abstenir d’utiliser des allégations vertes implicites telles que des images de forêts tropicales, des symboles de feuilles, des fonds verts, etc. qui ne donnent pas une représentation véridique et précise de l’ampleur de l’avantage environnemental.
- Éviter d’utiliser ses propres logos / labels / étiquettes s’ils ne sont pas suffisamment reconnus ou d’utiliser de façon inappropriée les certifications tierces.
- Au lieu de faire des déclarations non fondées sur les aspirations futures, concentrez-vous sur les mesures spécifiques déjà prises ou en cours d’adoption par votre entreprise pour atteindre ces objectifs.
La lettre détaille ensuite ces différents points et donne plusieurs exemples concrets. J’en ai retenu trois.
Coton bio = moindre impact environnemental
L’affirmation selon laquelle un vêtement a un impact environnemental moindre parce qu’il est fabriqué en coton biologique plutôt qu’en coton conventionnel pourrait être trompeuse si elle se fonde uniquement sur les chiffres moyens mondiaux pour le coton biologique.
En effet, la marque ne serait alors pas en mesure de prouver que le t-shirt spécifique auquel l’affirmation se réfère a un impact environnemental moindre que s’il avait été fabriqué en coton conventionnel dans cette région spécifique.
De telles allégations ne peuvent être faites que si l’impact environnemental du t-shirt est inférieur à celui de produits comparables en coton conventionnel, en tenant compte de l’ensemble du cycle de vie, et que le choix du matériau est un aspect important de cette réduction. Tous ces aspects doivent être étayés par des preuves appropriées et représentatives du produit spécifique.

Exemples d’allégations sur les avantages du coton bio en général, de façon non spécifique à un produit donné.
Filtres de recherche e-commerce
Pour faciliter l’achat en ligne, des filtres permettent souvent de trier les produits par catégories comme la taille, la matière, la couleur et la marque.
Certains sites e-commerce utilisent des filtres de « durabilité » qui regroupent les produits ayant des certifications ou des qualités spécifiques que le commerçant considère, d’une manière ou d’une autre, comme bénéfiques pour l’environnement. Les informations contenues dans ces filtres sont souvent vagues et générales. L’utilisation de ce type de filtres peut être trompeuse car elle peut donner au consommateur l’impression que les produits appartenant aux catégories filtrées sont globalement moins dommageables pour l’environnement ou « durables », ce qui constitue en soi une affirmation vague et trompeuse.
Au lieu d’utiliser des filtres qui donnent l’impression que les produits correspondants sont « durables » ou similaires, utilisez des filtres qui permettent aux consommateurs de rechercher des certifications spécifiques de bonne foi ou des aspects neutres des produits. Si des filtres sont utilisés, les produits inclus dans le groupe filtré doivent répondre aux critères. Par exemple, un filtre « 50 % recyclé » doit renvoyer les produits qui sont recyclés à au moins 50 %.

Exemples de filtres sur des sites e-commerce de marques de vêtements
Future-washing : promesses lointaines
Les marques utilisent souvent des objectifs et des visions d’avenir dans leur marketing. Les affirmations sur la neutralité climatique d’ici 2050 en sont un bon exemple. Mais ces allégations sont incertaines par nature. Au lieu de faire des déclarations sur les aspirations futures, l’ICPEN encourage les entreprises formuler les allégations de la manière la plus précise possible, en articulant non seulement un objectif ou une vision, mais aussi la manière de les atteindre. L’accent doit être mis sur les mesures déjà mises en place ou sur le point de l’être qui sont significatives pour atteindre l’objectif.
Comme toute autre revendication environnementale, les aspirations futures doivent être étayées par une documentation suffisante. Les opérateurs doivent donc disposer de plans clairs et bien définis pour atteindre ces objectifs, avec des cibles et des calendriers concrets et sur la base de méthodes scientifiquement reconnues, techniquement réalisables et vérifiables. Si les objectifs sont communiqués aux consommateurs, les plans qui les étayent doivent également être mis à leur disposition.
En outre, les informations relatives aux objectifs et aspirations futurs ne doivent pas être incluses dans les allégations relatives aux produits individuels, à moins qu’il n’existe un lien très clair entre les deux, communiqué clairement au consommateur.

Exemple d’allégations sur des aspirations futures « zero carbon and zero waste », non étayées par un solide plan d’action et directement reliées à des produits.
Prochaine session « Master Class greenwashing » : 3 juin 2025
En quelques années, la publicité et le greenwashing sont devenus des centres d’attention majeurs des associations et des institutions : loi AGEC, loi Climat & Résilience, Décrets « neutre en carbone » et « compensation carbone », décret « recyclable », révision de la Directive sur les pratiques déloyales et bientôt Directive Green claims.
Comment s’y retrouver dans ce foisonnement législatif ? Quelles sont les obligations actuelles et à anticiper ? Quels sont les risques concrets et les sanctions ? Enfin, comment sensibiliser et former les équipes marketing et de communication pour éviter le greenwashing en adoptant une communication réellement responsable ? C’est l’objet de cette formation qui s’adresse aux équipes communication/marketing et juridiques dans les entreprises et les agences.
Prochaine session : mardi 3 juin 2025, de 13h30 à 16h30 en visio sur Zoom. Tarif : 300 € HT / personne. La formation sera assurée par Clémentine Baldon et moi-même.
Voici quelques points forts de la Master Class soulignés par les participant·es aux précédentes sessions :
- Marie C. (novembre 2024) : « La complémentarité entre un expert com environnementale et une avocate spécialisée sur ces sujets »
- Bérangère D. (novembre 2024) : « Beaucoup d’exemples accompagnés d’explications + la possibilité d’avoir des échanges et de poser des questions »
- Anne-Laure K. (janvier 2024) : « La compétence des intervenants sur le sujet. Ils savent de quoi ils parlent.»
- David A. (janvier 2024) : « Petit comité, approche pratique, possibilité de poser facilement des questions. »
- Jodène M. (janvier 2024) : « Les paroles d’experts, les expériences vécues, les exemples.
Le programme détaillé est disponible sur le site des Master Class. L’inscription se fait en me contactant (formation@mathieu-jahnich.fr).

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