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Élodie Hérisson, Jade Vincent et Marie Gaillard : un vent nouveau se lève

Rédigé par Mathieu JAHNICH, publié le 17 janvier 2022

Marie Gaillard, Jade Vincent et Elodie Hérisson

Pour lancer la 2e saison du cycle « La #comresponsable en action », ce n’est pas un témoignage que je vous propose aujourd’hui, mais trois : ceux d’Élodie Hérisson, Jade Vincent et Marie Gaillard, co-fondatrices et co-dirigeantes de l’agence conseil Rose Primaire.

Extraits :

Élodie Hérisson : « Notre rôle en tant que communicant·e est primordial dans les changements que nous souhaitons opérer dans nos sociétés : notre impact sur les imaginaires collectifs ! » « Depuis quelques années, je fais ma veille, je fouille et je trouve des outils, des lectures, des interventions de professionnel·les pour m’aider à avoir plus de méthodes et une vision plus large de l’action que nous pouvons mener pour faire évoluer nos métiers »

Jade Vincent : « Le plus difficile c’est quand cela fait des années que tu dis la même chose (pour mon cas sur l’accessibilité numérique) et que tu ne trouves pas de soutien en particulier interne. » « Je constate que les choses évoluent, il est moins acceptable à l’heure actuelle de fermer les yeux sur le numérique responsable et en particulier sur l’accessibilité numérique. Il y a une vraie prise de conscience, notamment parmi les professionnelles et professionnels du numérique, qui ont aussi besoin de retrouver du sens au travail. »

Marie Gaillard : « L’humilité, la transparence et la coopération sont nécessaires pour faire avancer les projets. Je vois la communication responsable comme un pilier de la transition écologique et sociétale. » « Toute cette énergie, cette créativité, cette intelligence des professionnels de la communication devraient se mettre au service de projets utiles. Je sens chez eux une envie mais la rentabilité économique reste une vraie question (que nous nous posons aussi). Le secteur de la communication est très concurrentiel, aux activités hétérogènes et à la fois interdépendantes, imaginer notre propre modèle est un réel challenge ».

Élodie Hérisson, Jade Vincent et Marie Gaillard : un vent nouveau se lève

Bonjour à toutes les trois et bienvenue sur mon blog. En quelques lignes, pouvez-vous décrire votre parcours et la fonction que vous occupez actuellement ?

Élodie Hérisson

Diplômée d’un Master 2 en Techniques d’Information et de Communication dans le développement territorial, j’ai débuté ma carrière de communicante dans la coopération internationale : au service des relations internationales de Radio France Internationale, puis à l’Alliance Française de Melbourne en Australie et pour l’ONG Avocats Sans Frontières France. Je me suis ensuite ancrée en Occitanie. J’ai travaillé au Sicoval, une collectivité territoriale au Sud de Toulouse avant d’intégrer l’agence Icom Communication. Puis en 2020, je me suis associée à Jade et Marie pour créer l’agence Rose Primaire que je co-dirige avec elles depuis.

Jade Vincent

J’ai d’abord fait des études de gestion puis j’ai commencé ma carrière en tant que commerciale pour la société DHL International. 4 ans après, j’ai repris des études en conception de produit digital (Mastère de Telecom ParisTech et l’INA). J’ai ensuite intégré AccessiWeb (qui fait partie de l’association Braillenet) qui dispense des formations sur l’accessibilité numérique et qui produisait (à l’époque) un référentiel de bonnes pratiques basé sur les normes internationales (les WCAG 2.0 à l’époque). Je suis partie de Paris et j’ai ensuite travaillé en agence digitale et de communication où j’ai rencontré Élodie et Marie mes associées.

NB : Actuellement le référentiel légal mentionné dans le décret n°2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne est le RGAA 4.1 (Référentiel Général pour l’Amélioration de l’Accessibilité)

Marie Gaillard

Originaire des Pyrénées, j’ai suivi des études universitaires à Toulouse. Lors de mon stage de fin d’études dans une agence de marketing et communication touristique, il s’est avéré que mon profil était davantage celui d’une communicante. J’ai ainsi appris mon métier sur le terrain dans une agence en plein développement, appartenant au groupe DDB. D’abord chef de publicité pour des clients nationaux puis internationaux, je suis montée petit à petit en conseil. Ce fût des années très stimulantes, qui m’ont appris à être exigeante, à faire ma place. En 2009, je rejoins l’agence Icom, agence pionnière en communication responsable. Après 11 ans, dont 3 intégrée à la direction, je décide de me lancer dans l’entreprenariat pour voler de mes propres ailes.

À quel moment avez-vous « basculé » dans une approche plus responsable de votre métier ? Savez-vous ce qui a provoqué votre prise de conscience ?

Élodie Hérisson

J’ai eu la chance de grandir avec une conscience écolo et citoyenne très forte. Je pense que c’est surtout le bon sens qui a toujours guidé mes choix professionnels, et certainement l’évidence que notre rôle en tant que communicant·e est primordial dans les changements que nous souhaitons opérer dans nos sociétés : notre impact sur les imaginaires collectifs !

Jade Vincent

Ma mère étant non-voyante, j’ai été confrontée très tôt à la problématique d’accessibilité en général d’abord puis numérique ensuite. Si l’outil numérique promettait une meilleure autonomie notamment aux personnes qui en ont le plus besoin, il devenait peu à peu un frein en raison de son inaccessibilité (double peine !)

Marie Gaillard

Il y a 15 ans, je m’interrogeais sur les impacts du fonctionnement d’une agence de com en tant qu’entreprise sans savoir qu’il s’agissait de RSE. De plus en plus perplexe sur l’utilité de mon métier, je pensais à ce moment-là que la communication telle que je la connaissais ne pouvait pas rimer avec transition. Le vrai déclic a été la rencontre avec l’équipe d’Icom ; leur vision de la profession et de l’entreprise correspondait à ce à quoi j’aspirai.

Concrètement, comment se traduit votre engagement dans votre activité au quotidien ? Avez-vous le sentiment de faire un métier différent d’avant/des autres ?

Élodie Hérisson

Depuis quelques années, je fais ma veille, je fouille et je trouve des outils, des lectures, des interventions de professionnel·les pour m’aider à avoir plus de méthodes et une vision plus large de l’action que nous pouvons mener, en tant que communicante, pour faire évoluer nos métiers. Et heureusement, l’offre s’étoffe ! Chaque jour je fais des découvertes que je mets à profit de ma pratique professionnelle. Et comme Rose Primaire, plus qu’une agence, est aussi organisme de formation, nous avons le privilège de pouvoir partager nos connaissances avec nos stagiaires (étudiant·es ou pro) !

En parallèle de mon investissement avec Rose Primaire, j’anime la commission « Com responsable » du Club de la com (association professionnelle de près de 400 membres en Occitanie) dont la mission est de donner à ses membres des clés de compréhension d’une approche plus responsable de la communication et de favoriser les changements de comportements via le dialogue avec l’ensemble des acteurs qui gravitent dans nos métiers.

Un autre projet qui me tient à cœur est Reboot!, imaginé et piloté par un collectif de professionnel·les bénévoles qui appelle à la mobilisation des étudiant·es pour amener des changement profond de nos métiers dès la formation initiale.

Jade Vincent

La façon de pratiquer nos métiers dans le numérique dépend énormément de la structure dans laquelle vous êtes, l’organisation en place, la gouvernance. Ce qui a changé personnellement c’est d’avoir pu intégrer une agence comme Icom qui, grâce à son ancien dirigeant Daniel Luciani, a fait de la RSE la colonne vertébrale de l’agence, puis de continuer grâce à notre structure Rose Primaire.

Par ailleurs, je suis membre de l’INR et j’ai participé au Groupe de travail « contenu » du Guide de Référence de Conception Responsable de Services Numériques, le GR491 . Je suis également animatrice de la fresque du climat et de la fresque du numérique. J’ai également co-fondé le collectif Good IT ! qui a pour mission notamment de sensibiliser les institutions et les entreprises toulousaines (et aux alentours) au numérique responsable. Nous organisons des webinaires et nous travaillons sur des projets comme la création d’un annuaire d’acteurs et d’actrices sur le sujet… Nous avons de la chance d’avoir au sein du collectif l’ensemble de la “chaîne de production” d’un service numérique représenté (UX, le webdesign, la rédaction de contenu, le développement, la gestion de projet …) ; ce qui nous permet d’aborder le numérique responsable de façon transversale.

Marie Gaillard

Que ce soit dans notre vision de la place de l’entreprise dans la société, dans son fonctionnement et dans le service proposé aux clients, les dimensions de responsabilité et d’apprentissage sont omniprésentes chez Rose Primaire. Lorsque l’on traite de sujets techniques comme les déchets, la pollution de l’air ou le climat, que l’on perçoit les enjeux colossaux liés, on adopte une approche différente de notre métier. Prendre le temps de s’acculturer, se questionner sur ses pratiques, instaurer une relation de confiance avec les clients : l’humilité, la transparence et la coopération sont nécessaires pour faire avancer les projets. Je vois la communication responsable comme un pilier de la transition écologique et sociétale et je sais désormais que mon rôle peut aller bien au-delà de ce que je fais aujourd’hui.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ? Y a-t-il des idées reçues contre lesquelles vous devez lutter ?

Élodie Hérisson

L’impression de devoir dire les mêmes choses depuis des années… et de ne pas arriver à convaincre !

Je suis avec attention les projets de loi car tant que la législation n’évoluera pas et qu’aucune sanction ne sera mise en place contre ceux qui manipulent leur audience pour appeler à toujours plus de profit – quoi qu’il en coûte à la société et à la planète – nos pratiques responsables resteront à la marge et le travail des instances – telles que l’ARPP – au stade de recommandations seulement… Il est urgent que les pouvoirs publics s’emparent de cette question !

Jade Vincent

Le plus difficile c’est quand cela fait des années que tu dis la même chose (pour mon cas sur l’accessibilité numérique) et que tu ne trouves pas de soutien en particulier interne (on te répond “Ce n’est pas demandé au cahier des charges”, “ce n’est pas vraiment la cible”, “ça va coûter plus cher”, “on pas le temps de former l’équipe”…) et que a posteriori des projets tu constates que des efforts financiers et humains ont été déployés pour des “services plus vendeurs”. Mais je constate tout de même que les choses évoluent, il est moins acceptable à l’heure actuelle de fermer les yeux sur ces sujets (ou d’en prioriser d’autres). Il y a une vraie prise de conscience, notamment parmi les professionnelles et professionnels du numérique, qui ont aussi besoin de retrouver du sens au travail.

Marie Gaillard

Le greenwashing et autres abus de langage sont pour nous un souci permanent, nous tâchons d’être vigilantes et d’alerter nos clients, ce qui peut agacer parfois. Continuer à diffuser des messages qui vont à l’encontre de la transformation vers une société durable, n’est plus acceptable. Toute cette énergie, cette créativité, cette intelligence des professionnels de la communication devraient se mettre au service de projets utiles. Je sens chez eux une envie mais la rentabilité économique reste une vraie question (que nous nous posons aussi). Le secteur de la communication est très concurrentiel, aux activités hétérogènes et à la fois interdépendantes, imaginer notre propre modèle est un réel challenge.

À l’opposé, quelles sont les satisfactions que vous trouvez dans votre activité ? Où puisez-vous votre énergie ? Est-ce que vous aimez votre travail/activité et pourquoi ?

Élodie Hérisson

Aujourd’hui, la société civile bouge. Les consommateur·trices, les citoyen·nes, aspirent à des changements radicaux. Les associations et les ONG pèsent de plus en plus. Leur audience auprès des jeunes est très rassurante. Lorsque j’interviens auprès d’étudiant·es, je vois bien qu’ils·elles seront des professionnel·les ouvert·es à ces réflexions où justice sociale et contraintes environnementales seront au cœur de leur préoccupation et donc de leur pratique.

Jade Vincent

Comme le dit Élodie, ce qui est très positif (et rassurant) c’est que les jeunes que l’on forme sont très sensibles aux questions environnementales. Ils sont très réceptifs également sur la question du sens au travail ; lorsqu’on travaille sur un projet intégrant un objectif d’accessibilité ou d’écoconception il y a du sens, c’est très fédérateur pour l’équipe et les parties prenantes de manière générale.

Marie Gaillard

Les rencontres, les échanges avec des personnalités inspirantes sont un ancrage déterminant sur mon chemin. L’intérêt des clients, des partenaires pour notre approche et la réussite des projets sont toujours une recharge de motivation. Se sentir utile nous permet d’avancer (et de lutter contre notre éco-anxiété). Il est plus facile d’assumer notre position de communicante responsable car un vent nouveau se lève en ce moment.

Pouvez-vous nous présenter un ou deux projets/réalisations dont vous êtes particulièrement fières ?

Élodie Hérisson

J’adore travailler sur des projets à fort engagements sociétaux. Je creuse les sujets en lien avec l’attractivité territoriale en zones rurales, les Agenda 21, la mobilité, la transition énergétique, l’économie circulaire, la gestion des déchets… Le lien social est réel à l’échelle d’une ville, d’une communauté d’agglo, d’une communauté de commune, d’un département ou d’une région. Les enjeux économiques et sociaux, d’inclusion, de lutte contre les discriminations, etc. sont les leviers des actions que nous menons pour les collectivités que nous accompagnons. Ce travail-là est essentiel et me rend fière.

Jade Vincent

Nous avons conçu un module de formation pour le programme Ambassadeur Numérique Responsable porté par l’Institut du Numérique Responsable (INR) dont l’objectif est d’amorcer une stratégie NR en lien avec sa RSE, valoriser sa démarche et inciter au changement de comportement avec la communication responsable et engageante. Nous avions fourni, en complément du support, un ensemble d’outils dont des checklists pour créer du contenu accessible, plus sobre, éthique ainsi qu’un cadre méthodologique pour poser les fondations d’une action engageante embarquant l’ensemble des parties-prenantes sur lequel nous avons eu de très bons retours. Par ailleurs, j’accompagne actuellement un organisme de logement social à rédiger un cahier des charges pour la refonte de leurs sites web intégrant une démarche d’accessibilité numérique. Un sujet passionnant avec des problématiques utilisateurs très diverses.

Marie Gaillard

La question du changement de comportement étant primordiale, je me réjouis lorsque qu’un client comme Toulouse Métropole nous sollicite sur des projets visant ce but. Comment éviter les déchets au sol dans un immeuble ? Comment faire adopter le doggy bag dans un restaurant ?… En mettant en œuvre des mécaniques expérimentales qui s’appuient sur les sciences du comportement (nudge), nous obtenons des résultats probants, preuve qu’une communication engageante, pédagogique et participative sont des moyens pour faire évoluer les comportements.

Autre projet stimulant, nous accompagnons Haute Garonne Tourisme dans sa stratégie de développement touristique durable, une mission très complète qui associe le conseil en stratégie RSE, la formation des acteurs et la conception d’outils de sensibilisation et de valorisation…ici la RSE donne de la valeur à la communication en la rendant vraie et en retour, la communication aide cette démarche à prendre vie.

Pour terminer, avez-vous un conseil à donner ou une idée force à transmettre aux lecteurs de ce blog ?

Élodie Hérisson

J’aime beaucoup cette phrase de Vaclav Havel qui nous rappelle l’importance de nos choix : « Il faut se révolter contre le rôle qui nous est assigné, où nous ne sommes plus qu’une pièce d’une gigantesque machine lancée dans une direction inconnue ; il faut retrouver le sens de la responsabilité à l’égard du monde. »

Jade Vincent

J’aime bien cette phrase de Philippe Bihouix, dans l’âge des Low Tech qui illustre bien les logiques productivistes « J’achète un portable en France et ce faisant j’ai exploité des mineurs du Congo, détruit des forêts primaires de Papouasie, enrichi des oligarques russes, pollué des nappes phréatiques chinoises puis 12 à 18 mois plus tard, j’irai déverser mes déchets électroniques au Ghana ou ailleurs »

Et bien-sûr LE geste-clé est de conserver le plus longtemps ses équipements numériques (smartphone, ordinateurs, écran TV…) dont la fabrication concentre entre deux-tiers et trois-quarts des impacts environnementaux.

Marie Gaillard

“The more I learn, the less I know”; “the more I know, the less I need” deux phrases simples pour rappeler à la réalité et aider à prendre du recul.

Suivez l’actualité d’Élodie, Jade et Marie sur leurs comptes LinkedIn respectifs ou sur le site de leur agence.  

La #comresponsable en action

Dans le contexte actuel de remise en question de la filière communication, le cycle d’entretiens « La #comresponsable en action » valorise les professionnelles et les professionnels qui s’engagent dans des pratiques plus responsables. Chez l’annonceur, en agence ou freelance, dans le privé, le public ou le secteur non-marchand, avec une certaine expérience ou un regard neuf… toute la diversité de la filière communication est représentée. Quel a été leur parcours ? Quelles sont les difficultés rencontrées et les sources de satisfaction ? Quels sont les projets dont elles ou ils sont particulièrement fières et fiers ?

Retrouvez sur cette page la liste de tous les témoignages.

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