Article
Céline Réveillac : je travaille sur des projets utiles à la société
Rédigé par Mathieu JAHNICH, publié le 11 mai 2021
« La #comresponsable en action », épisode 16. J’ai le plaisir de recevoir Céline Réveillac, consultante en communication (plus responsable) pour projets à impact positif et solidaire et responsable de la Commission Com’avenir de l’APACOM, l’association des professionnels de la communication en Nouvelle Aquitaine.
Extraits : « Maintenant que le sujet est là, brûlant sur la table des négociations politiques, je reste très frustrée. Les professionnels de la communication ont certes compris qu’il faut changer nos pratiques. Mais ils n’ont pas compris l’urgence, et que des chartes ne suffiront plus. Le poids du lobbying de la publicité est tellement fort qu’il a permis à d’accoucher d’un projet de loi ridicule. » « À l’occasion de ses 50 ans, le magazine Stratégie a réalisé un flashback. On y lit une tribune de Jacques Séguéla contre l’interdiction de la publicité pour les cigarettes : « Mme Veil pollue le rêve des fumeurs ». J’ai l’impression qu’on revit la même histoire. Cela me met très en colère et j’ai parfois honte d’appartenir à ce corps de métier. » « Je travaille sur des projets que je crois utiles à la société. Aider à améliorer le parcours d’un patient atteint d’un cancer, c’est hyper valorisant, je n’ai aucun doute sur l’action positive pour la société. Peu importe la taille de la structure ou les évolutions possibles : je me sens alignée dans cette mission. » « Conseiller des entrepreneur·es engagé·es qui ont peur de communiquer, notamment peur d’être accusés de greenwashing, ça aussi c’est quelque chose qui me réjouit. »
Céline Réveillac : « je travaille sur des projets utiles à la société »
Bonjour Céline et bienvenue sur mon blog. En quelques lignes, pouvez-vous décrire votre parcours et la fonction que vous occupez actuellement ?
Mon parcours est parsemé de contradictions. J’ai étudié en École de commerce alors que je n’aspirais pas à un métier dans le commerce. Puis pendant que je faisais mes premières armes en agence de communication à élaborer des stratégies pour des épilateurs à lumière pulsée, je réseautais avec des entrepreneurs qui voulaient changer le monde (les Green Tweet Apéros). C’est certainement à ce moment-là qu’on s’est rencontrés !
Une paire d’année après, je me lançais en freelance pour travailler sur des sujets qui me faisaient vibrer. Mais malgré ma formation, la vente n’a jamais été mon fort… alors lorsqu’il a fallu que je vende mon expertise à un moment où le développement durable et la communication responsable étaient, pour 99% des professionnels, une affaire de bobos-rigolos, ça n’a tout simplement pas été une réussite. C’est là que j’ai fait mon entrée côté annonceur, mais en mode « bougeotte » : TICE, pêche, édition, textile éco-responsable…
Depuis, je n’ai tiré un trait sur aucune de ces expériences et j’ai donc plusieurs casquettes. D’abord, je suis chargée de communication dans une association dans la cancérologie. À côté, je continue à œuvrer pour une communication plus responsable : j’interviens dans l’enseignement supérieur, je conseille et forme des professionnels de la communication et je pilote de la commission Com’avenir de l’APACOM, une association de professionnels de la communication en Nouvelle-Aquitaine. À travers un compte Instagram (réseau social que j’ai mis du temps à investir !), Greenwahsing_Lovers, je dénonce des cas de greenwashing, socialwashing, frenchwashing etc., et questionne les pratiques de communication.
À quel moment avez-vous « basculé » dans une approche plus responsable de votre métier ? Savez-vous ce qui a provoqué votre prise de conscience ?
Durant mes études supérieures, il y a maintenant une petite quinzaine d’années, les rouages du marketing et de la communication me fascinaient : comment un message, des visuels, une publicité influent sur les comportements ? Je me suis retrouvée alors confrontée à plusieurs déceptions.
On m’apprenait à modifier les comportements pour vendre plus (en École de commerce, quoi demander d’autre ?), ce qui ne m’emballait vraiment pas. Je découvrais des techniques que j’assimilais à de la manipulation et parfois du mensonge, là j’ai carrément été dégoutée. Quel était le sens de tout ça ? Et surtout, qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire de tout ça ?
J’ai alors consacré mon mémoire à la communication responsable et ai créé un blog pour dénoncer le greenwashing. Et surtout, j’ai découvert que des professionnels s’interrogeaient eux aussi, ce qui m’a donné l’envie de poursuivre dans cette voie qui me semblait pourtant si loin de mes valeurs.
Concrètement, comment se traduit votre engagement dans votre activité au quotidien ? Avez-vous le sentiment de faire un métier différent d’avant/des autres ?
Dans mon activité professionnelle, au quotidien, j’ai l’impression que ça ne change rien. Mon métier reste le même, construire une stratégie de communication qui répond à une problématique et un objectif.
Mais à y regarder de près, oui, il y a certainement des différences.
Sur les process par exemple : intégration des parties prenantes pour une collaboration horizontale et verticale, processus de construction des messages qui repose sur un imaginaire « vrai », conception des outils qui doit bien sûr prendre en compte les impacts environnementaux sociaux (l’éco-socio-conception).
La responsabilité du message, également, est traitée de manière très large : le message doit avoir un impact positif sur la société, et une grande attention doit être portée aux minorités qui bien souvent sont oubliées.
Enfin, pour moi, la communication responsable relève bien plus de la responsabilité du communicant que de réaliser une campagne « zéro émission » par exemple.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ? Y a-t-il des idées reçues contre lesquelles vous devez lutter ?
Quand je me suis interrogée nous étions très peu à questionner la responsabilité de la communication. Ça a été une période un peu difficile car mes pairs me voyaient comme un bisounours qui sciait la branche sur laquelle il était assis. Mais j’étais à fond, et fière de mes convictions.
Et puis au bout de 10 ans je me suis sentie fatiguée de me battre, de dénoncer toujours les mêmes pratiques, et surtout d’entendre qu’il n’y avait pas de problème. J’ai même fermé mon blog, pensé à faire autre métier. Mais je ne savais rien faire d’autre.
Maintenant que le sujet est là, brûlant sur la table des négociations politiques, je reste très frustrée. Les professionnels de la communication ont certes compris qu’il faut changer nos pratiques. Mais ils n’ont pas compris l’urgence, et que des chartes ne suffiront plus. Le poids du lobbying de la publicité est tellement fort qu’il a permis à d’accoucher d’un projet de loi ridicule.
À l’occasion de ses 50 ans, le magazine Stratégie a réalisé un flashback. On y lit une tribune de Jacques Séguéla contre l’interdiction de la publicité pour les cigarettes : « Mme Veil pollue le rêve des fumeurs ». J’ai l’impression qu’on revit la même histoire. Cela me met très en colère et j’ai parfois honte d’appartenir à ce corps de métier.
À l’opposé, quelles sont les satisfactions que vous trouvez dans votre activité ? Où puisez-vous votre énergie ? Est-ce que vous aimez votre travail/activité et pourquoi ?
Je travaille sur des projets que je crois utiles à la société. Aider à améliorer le parcours d’un patient atteint d’un cancer, c’est hyper valorisant, je n’ai aucun doute sur l’action positive pour la société. Peu importe la taille de la structure ou les évolutions possibles : je me sens alignée dans cette mission. Questionner des étudiants sur leur futur métier, sur la façon dont ils le voient, ou encore sur leur perception de la publicité, ça aussi c’est hyper stimulant. Parfois je vois que certains remettent en perspective ce qu’ils ont appris, là je me dis que c’est gagné. Enfin, conseiller des entrepreneur·es engagé·es qui ont peur de communiquer, notamment peur d’être accusés de greenwashing, ça aussi c’est quelque chose qui me réjouit. Chaque marque qui comprend comment communiquer de façon honnête avec ses publics, c’est une marque en moins qui fait du greenwashing.
Pouvez-vous nous présenter un ou deux projets/réalisations dont vous êtes particulièrement fière ?
Dernièrement, j’ai accompagné le lancement d’une marque de petite puériculture. Les fondatrices avaient besoin, au-delà d’une stratégie de communication, d’être rassurées sur leur légitimité à communiquer, et de comprendre comment ne pas tomber dans le greenwashing. Très exigeantes, elles ne savaient pas comment valoriser leurs engagements environnementaux et sociaux. À raison, puisque ces types d’arguments sont à manier avec beaucoup de délicatesse.
Étant plutôt habituée à traiter des sujets non marchands ou corporate, j’ai beaucoup aimé être confrontée à la réalité du business d’une marque de grande consommation !
Un second projet dont je suis particulièrement fière : l’intégration de la RSE dans les statuts de l’APACOM. En intégrant dans nos statuts « la recherche d’un impact sociétal et environnemental positif et significatif » ainsi que « la promotion des valeurs du développement durable et des pratiques responsables des métiers de la communication », nous nous obligeons à diffuser la RSE en transversalité au sein de l’association, ce qui n’était pas encore le cas.
Pour terminer, avez-vous un conseil à donner ou une idée force à transmettre aux lecteurs de ce blog ?
Si vous ne savez pas par où démarrer, je conseille à tes lecteurs 3 ouvrages indispensables :
- De la publicité à la communication responsable de Yonnel Poivre-Le Lohé, ma bible de la communication responsable !
- Le guide de la communication responsable de l’ADEME, indispensable pour démarrer correctement dans la communication responsable.
- Des vents porteurs: Comment mobiliser (enfin) pour la planète, de Thierry Libaert, un ouvrage pour repenser les discours de sensibilisation et ouvrir tout un champ des possibles.
Enfin, à tous ceux et toutes celles qui souhaitent faire bouger les lignes, rejoignez le collectif Communication Mutation sur LinkedIn !
Pour suivre l’actualité de Céline, rendez-vous sur son profil LinkedIn ou son compte Instagram.
Crédit photo : Sew&Laine
La #comresponsable en action
Dans le contexte actuel de remise en question de la filière communication, le cycle d’entretiens « La #comresponsable en action » valorise les professionnelles et les professionnels qui s’engagent dans des pratiques plus responsables. Chez l’annonceur, en agence ou freelance, dans le privé, le public ou le secteur non-marchand, avec une certaine expérience ou un regard neuf… toute la diversité de la filière communication est représentée. Quel a été leur parcours ? Quelles sont les difficultés rencontrées et les sources de satisfaction ? Quels sont les projets dont elles ou ils sont particulièrement fières et fiers ?
Retrouvez sur cette page la liste de tous les témoignages.
Les derniers articles
14 novembre 2024
Greenwashing : aucune entreprise ne veut être la première à se faire condamner
24 octobre 2024