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Boris Butaeye : réduire les impacts sans sacrifier l’efficacité ni la qualité visuelle des supports
Rédigé par Mathieu JAHNICH, publié le 27 mai 2021
Dans ce 17e témoignage du cycle « La #comresponsable en action », je vous invite à découvrir le parcours et l’approche de Boris Butaeye, co-fondateur du studio de communication responsable Light.
Extraits : « Je n’ai pas la sensation de faire un métier radicalement différent. Les objectifs de la communication sont les mêmes, qu’elle soit pensée de façon à réduire son impact environnemental ou pas. » « On examine chaque projet, sous l’angle de la pertinence, puis en se demandant quels leviers on peut mettre en place pour en réduire les impacts, sans rien sacrifier à l’efficacité ou à la qualité visuelle des supports que l’on crée. Notre approche est à la fois scientifique, esthétique et rationnelle. » « La démarche de réduire l’impact environnemental de son activité implique d’y intégrer de nouvelles contraintes et d’examiner de nouveaux marqueurs pour estimer la réussite d’un projet. » « J’adore voir la réaction des gens quand on explique notre démarche de réduction des impacts de la communication, ce moment où ils prennent conscience que dans ce domaine là aussi, il est possible de faire les choses de façon plus sobre et responsable ».
Boris Butaeye : « réduire les impacts sans sacrifier l’efficacité ni la qualité visuelle des supports »
Bonjour Boris et bienvenue sur mon blog. En quelques lignes, pouvez-vous décrire votre parcours et la fonction que vous occupez actuellement ?
Après des études en arts graphiques et un BTS Audiovisuel, j’ai commencé à travailler en 2000 au montage de bandes annonces en chaîne de télévision. Par goût, je me suis rapidement tourné vers le motion design et les effets spéciaux, essentiellement sur des clips, des publicités et des films institutionnels. Très curieux de tout ce qui touche aux technologies, aux sciences et à la communication, j’ai mis à profit mes capacités d’autodidacte pour me former à la création web et aux spécificités du print.
J’ai fondé avec Vincent Drouet un studio de communication responsable en 2020 : Light. dont j’occupe la fonction de directeur artistique.
À quel moment avez-vous « basculé » dans une approche plus responsable de votre métier ? Savez-vous ce qui a provoqué votre prise de conscience ?
La prise de conscience des enjeux environnementaux et éthiques de la com a été lente… puis brutale ! Cela a commencé par une perte de sens progressive, essentiellement causée par la sensation de produire des supports jetables, avec une durée de vie tellement courte que ça n’en valait pas les moyens déployés pour les créer. La lassitude s’installait… Ensuite, la prise de conscience des enjeux environnementaux m’a frappé très brutalement ! Je vivais jusque-là dans une ignorance confortable de ces problèmes. Bien entendu, non dénué de conscience citoyenne, je triais mes déchets, j’éteignais lumière et chauffage avant de quitter une pièce (la lumière plus souvent que le chauffage, je le confesse), et j’avais l’impression, comme beaucoup, d’être écolo… et puis bon, je me rassurais comme je pouvais en me disant qu’on finirait bien par trouver bien une solution technologique aux problèmes causés par notre empreinte croissante sur la planète.
Le sujet faisant de plus en plus souvent les gros titres des journaux, j’ai fini par m’y intéresser… vraiment ! Après lecture de quelques livres sur le sujet, et de deux rapports du GIEC (la version complète, pas la fiche ultra-résumée qui est la seule lue par la majorité de la presse), j’étais pétrifié. Comment avais-je pu à ce point-là ignorer la gravité extrême de la situation ? Passer tellement à côté d’un sujet si essentiel qu’il questionne jusqu’à l’existence des générations futures sur le planète, dont celle de mon fils… dont la mienne également !
À ce stade, j’ai tout arrêté: je ressentais un besoin urgent de prendre, comme jamais dans ma vie, le temps de réfléchir. Pendant l’année et demie qui a suivi, j’ai beaucoup étudié. Je suis passé par toutes les phases avant que n’émerge l’envie de pratiquer mon métier autrement, j’ai même envisagé une reconversion dans le maraîchage en permaculture ! J’ai finalement jugé plus constructif d’attaquer le problème par un secteur que je connais, car les connaissances que j’en avais me permettaient de sensibiliser et de comprendre quels leviers utiliser pour en réduire l’impact.
C’est la rencontre avec Vincent, avec qui je partage beaucoup de préoccupations et de convictions, qui a permis de rendre tout cela concret. Après pas mal de discussions et de rebondissements, les doutes se sont levés et on a décidé de créer Light.
Concrètement, comment se traduit votre engagement dans votre activité au quotidien ? Avez-vous le sentiment de faire un métier différent d’avant/des autres ?
Chez Light., cet engagement se traduit par la volonté de travailler uniquement en éco-conception, avec pour objectif de diminuer les émissions liées à la création et à la distribution des supports de communication. On examine chaque projet, sous l’angle de la pertinence, puis en se demandant quels leviers on peut mettre en place pour en réduire les impacts, sans rien sacrifier à l’efficacité ou à la qualité visuelle des supports que l’on crée. Notre approche est à la fois scientifique, esthétique, et rationnelle.
En créant des supports de communication éco-conçus, je n’ai pas la sensation de faire un métier radicalement différent. Les objectifs de la communication sont les mêmes, qu’elle soit pensée de façon à réduire son impact environnemental ou pas. La création graphique reste la création graphique.
Malgré cela, tout comme dans nos vies personnelles, il faut accepter de penser différemment, de remettre en question nos façons de penser et de faire pour aboutir à un résultat plus sobre.
La démarche de réduire l’impact environnemental de son activité implique d’y intégrer de nouvelles contraintes et d’examiner de nouveaux marqueurs pour estimer la réussite d’un projet.
Pour le print, on mesure les taux de couverture en encre, la quantité de papier, pour la vidéo on va plutôt viser l’économie de données et de moyens de production, tandis que pour le web, en plus de limiter les données qui transitent par les réseaux, on va viser une certaine sobriété fonctionnelle afin de réduire la consommation électrique des terminaux.
Afin d’avoir un vrai feedback sur notre engagement à réduire les émissions liées à la création des supports, chez Light. on a décidé d’appliquer les méthodes les plus rigoureuses de calcul des émissions de notre activité. En se basant sur les données de l’ADEME et d’organisations comme le Shift Project, on a créé notre propre calculateur d’émissions prenant en compte autant la consommation électrique de nos locaux, que les émissions grises dues à la création du matériel informatique qu’on utilise ou aux données qui transitent par nos réseaux.
Pour finir, nous compensons l’ensemble des émissions résiduelles par l’adhésion au programme Reforest’Action.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ? Y a-t-il des idées reçues contre lesquelles vous devez lutter ?
Il y a énormément d’idées reçues qui circulent sur les impacts de la communication.
La première, c’est celle qui veut que le numérique soit dématérialisé. Je pense que ceux qui travaillent dans les mines de métaux rares destinés à la création des composants informatiques contenus dans les millions de serveurs permettant l’existence d’internet, ne seraient pas d’accord.
La deuxième, c’est que la com peut être écologique. Agir sur le monde a toujours un impact, quoi qu’on fasse. Cet impact peut ne pas entrer en ligne de compte, ou être maîtrisé pour être le plus réduit possible, c’est au choix.
Quand on prend conscience qu’une heure de visionnage de série sur Netflix a eu plus d’impact sur le changement climatique que l’impression de milliers de flyers pour un client, ça peut être décourageant, mais on ne perd pas de vue l’objectif, et si Netflix faisait sa part de ce côté-là, il y aurait des gains immenses à réaliser !
C’est d’ailleurs un peu la raison d’être de Light. : prouver que si on peut appliquer une démarche rationnelle permettant de réduire les impacts à un secteur comme celui de la communication, c’est qu’on peut le faire pour n’importe quel domaine !
À l’opposé, quelles sont les satisfactions que vous trouvez dans votre activité ? Où puisez-vous votre énergie ? Est-ce que vous aimez votre travail/activité et pourquoi ?
J’adore voir la réaction des gens quand on explique notre démarche de réduction des impacts de la communication, ce moment où ils prennent conscience que dans ce domaine là aussi, il est possible de faire les choses de façon plus sobre et responsable. Cela a lieu juste avant que ces mêmes personnes ne comprennent qu’en fait, chaque domaine de la vie peut faire l’objet de la même démarche ! C’est toujours une petite victoire, et ça donne de l’espoir.
Un aspect très positif de la communication responsable est aussi qu’elle attire les acteurs les plus vertueux, cherchant à communiquer sur des valeurs très proches des nôtres. Résultat : on a encore plus l’impression de servir un but plus grand que nous, et cela remet le sens au cœur du métier de communicant !
Pouvez-vous nous présenter un ou deux projets/réalisations dont vous êtes particulièrement fier ?
Chez Light. on est particulièrement fiers de notre site web (www.light-communication.fr) ! C’est le premier de nos travaux, et on l’a bichonné: il devait être un exemple autant en termes de design minimaliste que d’éco-conception ! Je vous laisse juger…
Un autre projet très important pour nous: il s’agit de films métier (ici et là) pour l’ESAIP, école d’Ingénieurs qui place les enjeux environnementaux au cœur de sa démarche : c’est un plaisir que de pouvoir aider cette école à recruter ceux qui nous aideront demain à aller collectivement vers un monde plus sobre !
Pour terminer, avez-vous un conseil à donner ou une idée force à transmettre aux lecteurs de ce blog ?
On va finir sur un conseil : si vous voulez réellement diminuer l’empreinte environnementale de votre activité de façon efficace, ne vous contentez pas des “on dit” et des estimations au doigt mouillé: vérifiez, calculez et comprenez les ordres de grandeurs qui séparent les différentes actions que vous comptez mener, vous aurez à coup sûr des surprises, et votre démarche n’en sera que plus efficace !
La #comresponsable en action
Dans le contexte actuel de remise en question de la filière communication, le cycle d’entretiens « La #comresponsable en action » valorise les professionnelles et les professionnels qui s’engagent dans des pratiques plus responsables. Chez l’annonceur, en agence ou freelance, dans le privé, le public ou le secteur non-marchand, avec une certaine expérience ou un regard neuf… toute la diversité de la filière communication est représentée. Quel a été leur parcours ? Quelles sont les difficultés rencontrées et les sources de satisfaction ? Quels sont les projets dont elles ou ils sont particulièrement fières et fiers ?
Retrouvez sur cette page la liste de tous les témoignages.
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