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Julie Matondo : toucher les cœurs pour mieux toucher les cerveaux ensuite

Rédigé par Mathieu JAHNICH, publié le 29 mars 2021

Julie Matondo

Après dix années passées à gérer la communication d’une ONG environnementale internationale, Julie Matondo vient de fonder son entreprise de conseil en communication. Elle a accepté de répondre à mes questions, dans le cadre du cycle de témoignages « La #comresponsable en action ».

Extraits : « Clairement les pratiques vertueuses ne sont pas réputées pour être rentables (à tort !). Par ailleurs en communication, la rentabilité est difficile à calculer et les conséquences de nos pratiques vertueuses pas mesurables immédiatement. » « Les entreprises doivent se rendre compte qu’une démarche de développement durable doit être holistique : commencer en interne pour se développer un externe. Prendre soin des hommes, donner du sens, pour pouvoir avoir un impact positif en externe, sur les hommes, la biodiversité, le climat etc. » « Toutes les études le démontrent : les entreprises qui avaient travaillé à donner du sens dans leur activité s’en sortent mieux dans la crise Covid. La communication authentique est là : c’est celle qui donne du sens en interne et en externe et plus seulement pour les clients qui ne sont plus dupes. »

 

Julie Matondo : « toucher les cœurs pour mieux toucher les cerveaux ensuite »

Bonjour Julie. En quelques lignes, pouvez-vous décrire votre parcours et la fonction que vous occupez actuellement ?  

Je suis diplômée de Sciences Po Paris, j’ai fait du journalisme radio, du conseil aux entreprises, dirigé la communication d’une ONG internationale environnementale pendant 10 ans et je viens de fonder mon entreprise de conseil en communication sur les engagements sociétaux : Interface. En parallèle, je suis ambassadrice de la Jeune Chambre Économique Française dont j’ai été membre active pendant 10 ans et où j’ai occupé plusieurs postes à responsabilité.

À quel moment avez-vous « basculé » dans une approche plus responsable de votre métier ? Savez-vous ce qui a provoqué votre prise de conscience ?

J’ai bercé dans l’engagement et le service aux autres dans ma famille. Mes parents sont élus locaux et parlementaires, j’ai un intérêt tout personnel pour la géopolitique, l’international qui me porte à la nécessaire conclusion que tout est connecté, particulièrement le devenir de l’homme à celui de la planète.

Concrètement, comment se traduit votre engagement dans votre activité au quotidien ? Avez-vous le sentiment de faire un métier différent d’avant/des autres ?

Je n’ai jamais travaillé autrement. Cela signifie, dans une carrière, réduire le scope car certaines entreprises, postes, sont inenvisageables car non compatible avec mes valeurs. Ce sont les mêmes filtres lorsqu’il s’agit de choisir un prestataire, un partenaire etc…

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ? Y a-t-il des idées reçues contre lesquelles vous devez lutter ?

Clairement les pratiques vertueuses ne sont pas a priori réputées pour être rentables (à tort !). Par ailleurs en communication, la rentabilité est difficile à calculer et les conséquences de nos pratiques vertueuses pas mesurables immédiatement. C’est difficile au sens ou l’on n’a jamais terminé son travail, atteint son but – tout peut être remis en cause à chaque instant.

À l’opposé, quelles sont les satisfactions que vous trouvez dans votre activité ? Où puisez-vous votre énergie ? Est-ce que vous aimez votre travail/activité et pourquoi ?

Je puise l’énergie dans les rencontres et les échanges. Les possibilités sont infinies, et les gens soucieux et volontaires nombreux. Il y a énormément à faire et on vit une époque merveilleuse où même en pleine crise, on peut lancer une entreprise comme la mienne et rencontrer des gens intéressants et intéressés.

J’ai eu la chance dans mon job précédent de voir parmi les plus belles merveilles du règne naturel et cela aussi donne du sens à mon entreprise et à mes effort.

Le déclencheur pour monter mon entreprise de conseil a été la naissance de mon deuxième enfant, une fille. Peut-être est-ce la perspective inconsciente de devenir le « modèle » féminin de quelqu’un, mais toujours est-il que sans le savoir elle m’a imposé une contrainte de réaliser tous mes talents, mon potentiel.

Enfin, j’aime aider et sentir que je crée une différence positive pour quelqu’un ou pour une organisation.

Pouvez-vous nous présenter un ou deux projets/réalisations dont vous êtes particulièrement fière ?

  • Exemple 1 : l’ONG veut faire valoir ses propositions auprès des candidats à la présidentielle – marketing par l’objet

Traditionnellement elle imprime un manifeste qu’elle envoie sous enveloppe. Je devine qu’il vient se noyer dans une pile de paperasse qui ne sera jamais lue dans un QG de campagne. Comment faire pour que le manifeste arrive sur la table de travail ?

Nous réfléchissons à ce à quoi ressemble la journée des équipes de campagne…du café, beaucoup de café jour et nuit, on cherche sans arrêt un mug…

Nous décidons de produire des mug revêtus de magnifiques photos telles que l’ONG en regorge. Et dessus on imprime un QR code qui mène au manifeste.

On en produit 10 séries de 6 qu’on envoie à chaque candidat. Avec un investissement minime, les retour des équipes de campagnes sont considérables : remerciements, félicitations…et surtout manifeste lu !

Objectif atteint grâce aux belles images d’animaux : l’ONG a d’abord touché les cœurs pour mieux toucher les cerveaux ensuite

  • Exemple 2 : massacre d’éléphants au Cameroun – relations presse

En 2012, un massacre d’éléphants à grande échelle est perpétré au nord Cameroun, l’ONG veut le documenter et contraindre les autorités du pays à intervenir. Munie d’images du massacres récupérées auprès des contacts locaux, l’ONG obtient leur publication en couverture de Libération et Le Monde. Le président Camerounais, en résidence en Suisse, a connaissance du massacre qui se déroule dans son pays grâce à la publication de Libération. Depuis la Suisse, il ordonne à ses ministres de déployer les militaires dans le parc en question.

Pour terminer, avez-vous un conseil à donner ou une idée force à transmettre aux lectrices et lecteurs de ce blog ?

Les entreprises doivent se rendre compte qu’une démarche de développement durable doit être holistique : commencer en interne pour se développer un externe. Prendre soin des hommes, donner du sens, pour pouvoir avoir un impact positif en externe, sur les hommes, la biodiversité, le climat etc.

Les « gestes » développement durable n’ont de sens que comme composante d’une appréhension globale des problématiques.

Nombreuses sont les entreprises qui ont une démarche de ce type et n’ont pas réalisé qu’elle est leur première carte de visite, la première carte à jouer dans le jeu de leur communication.

Toutes les études le démontrent : les entreprises qui avaient travaillé à donner du sens dans leur activité s’en sortent mieux dans la crise Covid. La communication authentique est là : c’est celle qui donne du sens en interne et en externe et plus seulement pour les clients qui ne sont plus dupes.

Pour suivre l’actualité de Julie, rendez-vous sur son profil LinkedIn

 

 

La #comresponsable en action

Dans le contexte actuel de remise en question de la filière communication, le cycle d’entretiens « La #comresponsable en action » valorise les professionnelles et les professionnels qui s’engagent dans des pratiques plus responsables. Chez l’annonceur, en agence ou freelance, dans le privé, le public ou le secteur non-marchand, avec une certaine expérience ou un regard neuf… toute la diversité de la filière communication est représentée. Quel a été leur parcours ? Quelles sont les difficultés rencontrées et les sources de satisfaction ? Quels sont les projets dont elles ou ils sont particulièrement fières et fiers ?

Retrouvez sur cette page la liste de tous les témoignages.

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