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Pub Back Market summer body : allégation environnementale trompeuse et expression stigmatisante

Rédigé par Mathieu JAHNICH, publié le 15 septembre 2025

Cette nouvelle campagne de Back Market me permet d’illustrer les enjeux d’une communication plus responsable sur le volet « message » : prévention du greenwashing (véracité et clarté des allégations environnementales), lutte contre les stéréotypes (utilisation d’allégations stigmatisantes) et promotion de nouveaux imaginaires (rendre les produits reconditionnés plus désirables).

Le visuel fait la promotion d’un ordinateur portable reconditionné présenté comme « plus durable que votre summer body » et mettant en avant une économie de « 89% de CO2e comparé au neuf ».

Je salue les efforts de l’entreprise pour rendre les produits reconditionnés désirables, par exemple au moment de Noël 2024 avec la campagne « flambant vieux ». Je note aussi, cette fois, l’absence d’allégation globalisante du type « impact positif pour la planète » et une référence plus complète et plus claire que précédemment (affaire 934/23 – avis JDP du 31 juillet 2023).

Toutefois, l’allégation telle que présentée sur cette affiche induit le public en erreur sur deux aspects :

  • La réduction d’empreinte CO2 de 89 % est tout simplement fausse. La valeur correcte est 77%, dans la situation la plus avantageuse. Lorsque vous utilisez une étude ADEME en référence, pensez à en informer l’Agence : pour obtenir leur autorisation et vérifier que les données sont les bonnes !
  • Les conditions de validité de l’allégation ne sont pas précisées : ordinateur portable ayant vécu 5 ans, reconditionné puis utilisé pendant 3 ans. Il s’agit d’informations essentielles, la réduction d’impact carbone de 77% n’étant valable que dans ces conditions. Plus largement, selon l’étude ADEME citée dans la pub, il n’y a un bénéfice environnemental à acheter un ordinateur portable reconditionné que s’il a eu une première durée de vie supérieure à 2 ans ; dans le cas contraire (2 ans ou moins), l’achat du produit reconditionné s’accompagne d’un coût environnemental. Back Market devrait communiquer clairement sur ces conditions et encourager le public à conserver ses appareils (neufs et reconditionnés) le plus longtemps possible.

Ainsi, de mon point de vue, ce visuel ne respecte pas les points 2 (véracité des actions) et 4 (clarté du message) de la Recommandation Développement durable de l’ARPP. J’ai saisi le Jury de déontologie publicitaire pour qu’il se prononce sur ce cas.

Par ailleurs, je dénonce l’utilisation de l’expression « summer body » dans une telle campagne d’envergure. Elle renforce certains stéréotypes de beauté, alimente la culture de jugement et de critique et contribue au mal-être que ressentent de nombreuses personnes par rapport à leur corps.

L’utilisation de cette expression est regrettable, d’autant plus dans le contexte actuel de retour de la maigreur dans l’espace public, en particulier dans le secteur de la mode. Une marque sincèrement engagée ne devrait pas se focaliser uniquement sur la lutte contre le changement climatique (vision tunnel carbone), elle devrait adresser les autres enjeux environnementaux et sociétaux et prendre en considération le contexte social lors du process de définition de ses messages, avant la diffusion de la campagne.

L’affiche Back Market « Plus durable que votre summer body »

La dernière campagne d’affichage de Back Market représente un ordinateur portable sur fond jaune, avec le slogan : « Plus durable que votre summer body.* »

Sous la photo de l’ordinateur, la marque explique : « Redécouvrez le MacBook Air M2 reconditionné. Et économisez 89% de CO2e comparé au neuf. ** »

Plus bas, figurent le logo de la marque et la mention « Flambant vieux ».

Deux mentions sont ajoutées tout en bas de l’affiche :

  • « * Summer body : corps de rêve pour l’été. MacBook Air M2 : DAS tronc : 0.83 W/kg ; DAS membre : 0.83 W/kg) »
  • « ** Calcul base sur la différence d’empreinte carbone / impact « dérèglement climatique » entre un ordinateur portable neuf (256,4 kg CO2e) et un ordinateur portable reconditionné (26,21 kg CO2e). Source ADEME, Septembre 2022, Étude « Évaluation de l’impact environnemental d’un ensemble de produits reconditionnés ». »

« Summer body » : une expression stigmatisante

Avant d’analyser les allégations environnementales de cette campagne, il me parait important de dénoncer l’usage de l’expression « summer body » dans une grande campagne de publicité, par une marque bien connue du public.

Comme le souligne Salomé Saqué dans son émission de l’été 2022 de Blast, l’expression summer body est une « injonction toxique du corps parfait » qui témoigne « d’une volonté de contrôle sur le corps des femmes dans l’espace public ». L’usage répété de cette expression renforce certains stéréotypes de beauté, alimente la culture de jugement et de critique et contribue au mal-être que ressentent de nombreuses personnes par rapport à leur corps.

L’utilisation de cette expression est donc regrettable, d’autant plus dans le contexte actuel de « retour de la maigreur » dans l’espace public, en particulier dans le secteur de la mode comme cela est décrit dans cet article du Monde du 11 septembre 2025.

Une marque sincèrement engagée ne devrait pas enfermer sa vision dans un « tunnel carbone », c’est-à-dire se focaliser uniquement sur la lutte contre le changement climatique et passer sous silence les autres enjeux environnementaux mais aussi sociaux et sociétaux. En particulier, elle devrait prendre en considération le contexte social lors du process de définition de ses messages, avant la diffusion de la campagne. C’est l’un des piliers de la communication responsable, selon la définition de l’ADEME.

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La réduction d’empreinte carbone affichée est fausse

J’ai consulté le rapport de l’étude ADEME citée en référence.

Page 125, tableau 60 (cf. capture ci-après) : les données « 256,4 kg CO2e » et « 26,21 kg CO2e » qui sont mentionnées sur l’affiche Back Market correspondent à celles pour un ordinateur fixe hors usage. Cela ne correspond ni au produit promu ni à l’usage.

Les données correctes sont à aller chercher dans les tableaux 48 et 49 situés en page 101 et 102 du rapport. Ordinateur portable neuf (5 ans de durée de vie) : 177,6 kgeqCO2. Ordinateur portable reconditionné (3 ans de durée de vie) : 42,28 kgeqCO2. Soit une réduction de 77% et non 89%, dans les conditions mentionnées.

Le document de l’ADEME est explicite (page 102) : « Pour le scénario de référence, l’acquisition d’un ordinateur portable reconditionné (utilisé pendant 3 ans) en lieu et place d’un ordinateur portable neuf permet d’éviter annuellement les impacts suivants : […] -27,3 kgeqCO2/an [soit] -77% ».

Point clé à retenir : lorsque vous utilisez une étude ADEME en référence dans un document de communication, a fortiori une grande campagne publicitaire, pensez à en informer l’Agence : pour obtenir leur autorisation et vérifier que les données sont les bonnes !

Les conditions de validité de l’allégation ne sont pas précisées

Par ailleurs, ces données chiffrées affichées (et donc la réduction de 77% d’empreinte carbone) ne sont valables que dans le cas très favorable où l’ordinateur portable a eu une première vie de 5 ans et que le produit reconditionné acheté sera conservé pendant 3 ans. Ces conditions ne sont pas précisées dans l’annonce.

Les calculs de l’ADEME (cf. figure 44) montrent que plus le reconditionnement apparait tard, plus l’impact environnemental du produit reconditionné est favorable. Si le reconditionnement intervient avant la troisième année alors le reconditionnement n’est pas favorable. Autrement dit, l’achat d’un ordinateur portable n’ayant que 2 années de vie (ou moins) avant reconditionnement représente un coût environnemental, pas un gain. Cela renforce la conclusion générale qu’il vaut mieux faire durer son matériel (neuf ou reconditionné) que le remplacer.

Back Market devrait informer clairement le public des conditions de validité de la réduction de l’impact carbone. Avec les millions de produits reconditionnés et vendus, la marque doit certainement connaître leur durée de première vie (avant reconditionnement) et de seconde vie (après achat du produit reconditionné). Back Market pourrait donc communiquer une valeur de réduction d’impact plus réaliste, correspondant à la réalité d’usage. Bien sûr, ce serait une valeur nettement plus faible que celle correspondant au cas le plus favorable.

Enfin, la marque devrait inciter ses clients à conserver les produits le plus longtemps possible, qu’ils soient neufs ou reconditionnés. J’ai le sentiment que l’argument écologique vise surtout à déculpabiliser l’achat. Cela contribue au renouvellement accéléré des produits électroniques.

Les tableaux et graphiques tirés du rapport ADEME

Source : FANGEAT Erwann, ADEME, Laurent ESKENAZI, Eric FOURBOUL, Hubblo, Julie ORGELETDELMAS, DDemain, Etienne LEES PERASSO, Firmin DOMON, LCIE Bureau Veritas, 2022. Évaluation de l’impact environnemental d’un ensemble de produits reconditionnés – rapport final. 186 pages.

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