En 2009, pour la deuxième année consécutive, le Conseil général du Morbihan s’est offert une campagne colorée et décalée sur le thème de la réduction des déchets. Retour sur une stratégie bien rodée.
Alors que bien souvent les collectivités territoriales offrent des campagnes de communication plutôt conventionnelles, le Conseil général du Morbihan soutenu par l’agence Le Ciré jaune a choisi l’originalité et l’humour pour sensibiliser ses publics à la réduction des déchets.
Après l’adoption d’un plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés (PDEDMA) en novembre 2007 qui fixe, entre autres, des résultats précis à atteindre, le Conseil général, avec concertation des différents acteurs des secteurs concernés (élus, syndicats d’eau potable, producteurs et distributeurs d’eau, organismes de traitement des déchets, Ademe…) a mis en place une stratégie de communication étalée sur trois ans et divisée en plusieurs thématiques.
Pour tout savoir sur cette opération originale d’envergure : www.tousecocitoyens56.fr
Le label « tous éco-citoyens 56 »
Afin de fédérer les acteurs du département, le Morbihan s’est d’abord doté d’une identité « prévention déchets » en créant le label « tous éco-citoyens 56 » qui estampille toutes les actions de réduction à la source des déchets, qu’elles soient à l’initiative d’une commune, d’une association ou d’un particulier. Ainsi identifiable par tous, la campagne gagne en cohérence.
Chaque campagne grand public menée traduit l’un des thèmes du PDEDMA. En 2008, « Mon jardin éco-citoyen » encourageait la réduction des déchets verts et au jardinage naturel avec une campagne basée sur le buzz et l’utilisation intensif du hors média.
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En début d’année 2009, sous fond de campagne électorale européenne, le Morbihan présente un candidat peu conventionnel sous l’identité d’Yvan la Gourde. Ce personnage emblématique de la campagne intitulée « Mon geste éco-citoyen, je bois l’eau du robinet » milite pour la réduction des déchets plastique. Les bouteilles d’eau ayant des impacts environnementaux non négligeables, que cela soit en matière de préservation des ressources naturelles, d’émissions de CO2 pendant le transport des bouteilles en camion ou d’élimination du plastique (seulement la moitié des bouteilles est recyclée), le Conseil général a décidé de prendre le problème en main à travers une campagne de relations publiques.
En lançant cette initiative, le CG56 a pris peu de risques et il est facile de comprendre le succès des actions entreprises. Il bénéficiait en effet des retombées et du succès de la campagne précédente et s’est appuyé sur des arguments rationnels et scientifiques tels que le coût moindre de l’eau du robinet et la qualité et la sécurité des équipements de traitement du département. Face à ces opportunités, le Conseil général a dû néanmoins gérer les différentes sensibilités des élus et le problème de la concurrence entre les villes, ainsi que le lobbying des compagnies d’eau en bouteille, sans oublier la masse d’idées reçues sur l’eau du robinet en matière de goût et propreté.
Pour l’ensemble des campagnes, la stratégie repose sur trois axes communs : la proximité avec le public grâce à des actions événementielles dans les villes du département, un ton décalé pour attirer l’attention et renforcer le processus de buzz et le choix d’une éco-communication pour plus de cohérence avec les messages véhiculés.
votezpourunegourde.com
Cette campagne a été pensée de façon à réduire la production de déchets inhérente à la communication et à être environnementalement responsable : zéro flyers, des affiches imprimées par des imprimeurs labellisés « imprim’vert » et appartenant au label de gestion durable des forêts « FSC » et des insertions presse sur des supports d’information déjà existants. Afin d’aller plus loin dans cette logique, l’agence de communication a préconisé une technique pour le moins économe en production de déchets : le buzz, qui a débuté par un teasing.
Mise en place le 26 février 2009, la technique avait pour but de faire parler de cette mystérieuse gourde et d’attiser la curiosité des habitants qui ont pu lire sur les trottoirs de leurs villes un message simple mais intriguant « votezpourunegourde.com », taggué par des jeunes étudiants à la craie biodégradable. Parallèlement, des indices sur l’identité de ce candidat étaient diffusés au compte goutte sur le site Internet dédié à l’événement. En une semaine, quatre articles avaient déjà été publiés dans la presse locale et le site enregistrait de nombreuses visites.
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Yvan Lagourde
La deuxième phase du teasing, le 5 mars, a révélé l’identité du fameux candidat : Monsieur Yvan Lagourde, personnage attaché aux valeurs familiales et environnementales qui promet d’augmenter le pouvoir d’achat et de faciliter la vie des ménagères en réduisant les déchets.
À partir de là, s’est mis en marche un véritable marathon à travers les grandes villes du département, des meetings se sont tenus dans les marchés, des flash mob freeze (rassemblement d’un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer une mobilisation éclair convenue d’avance avant de se disperser rapidement) dans les rues des grosses villes du département, un blog lui a été consacré ainsi qu’un groupe de soutien sur les réseaux sociaux, et une deuxième session d’affichage dans les rues invitait les gens à se mobiliser.
À cette période, on le voit partout et même si l’objectif final de la campagne n’est pas encore clairement identifiable, le commanditaire n’étant toujours pas révélé, les résultats sont là. En trois semaines, 15 articles ont été consacrés au candidat Yvan Lagourde, il a environ 230 amis sur Facebook et 1 700 membres sur son groupe « votezpourunegourde.com », plus de 8 000 visiteurs se sont rendus sur son blog et 1 600 badges ont été distribués aux Morbihannais.
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L’éco-mobile
Après deux semaines de suspens, le 20 mars, une conférence de presse a été organisée au Conseil général du Morbihan. Parodiant une investiture à l’américaine, Yvan la Gourde s’est présenté accompagné de son garde du corps, de son directeur de campagne et de son fan club en délire. Un (vrai !) élu du Conseil général a alors annoncé le lancement de la campagne de sensibilisation sur la réduction des déchets « Mon geste éco-citoyen ? Je bois l’eau du robinet ! ». La phase de buzz terminée, l’éco-mobile a pris le relais. Plus de 50 dates ont été programmées à travers le département d’avril à novembre. Les ambassadeurs « prévention déchets » et les animateurs du bassin versant du Morbihan ont pu répondre aux questions des habitants tout en leur proposant des animations (bar à eau, quizz, démonstrations…).
Les premiers rendez-vous de l’éco-mobile ont eu un vif succès : plus de 1 000 visiteurs sur les trois premières dates. Suite à la campagne, un taux significatif de clics a été enregistré sur le site de la campagne, 3 200 en mars et 3 800 en avril contre une moyenne mensuelle de 1 800. À ce jour, plus de 25 400 visiteurs se sont rendus sur le site « tousecocitoyens56.com » depuis mars 2008, date de la première campagne sur le jardin éco-citoyen.
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Un an après le lancement de la campagne, des résultats encourageants sont annoncés par le CG56 :
- arrêt de la consommation d’eau embouteillée dans plusieurs cantines du département ;
- diminution de la vente de l’eau embouteillée de l’ordre de 7 % dans certains magasins (diminution constatée à l’échelle nationale) ;
- retour de l’enquête de satisfaction de la ville de Vannes sur 500 foyers : 44 % des Vannetais disent consommer principalement de l’eau du robinet (28,5 % en 2006) contre 34 % de l’eau en bouteille (52,2 % en 2006).
En définitive, nous avons ici une campagne stratégiquement réussie et organisée à la perfection. Troisième étape en 2010 avec une campagne sur les déchets toxiques des ménages (piles, médicaments, huile de vidange…).
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Toute la campagne en images
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