La communication environnementale se distingue d’autres types de communication par quatre grandes particularités qui la singularisent et permettent ainsi de la spécifier. Il s’agit de la multiplicité des acteurs concernés, de la spécificité de l’objet de communication concerné, de l’incertitude scientifique qui l’accompagne et enfin de l’importance des enjeux financiers. Nous donnerons autant que possible différents exemples liés à ces quatre caractéristiques.
Définition
La communication environnementale correspond aux pratiques de communication réalisées par les médias, les organisations, les partis politiques, ou tout autre intervenant sur la scène publique, portant sur le thème de l’environnement. Ce thème est entendu comme articulant différents niveaux de réalités : des réalités physiques (air, eau, faune, flore, etc.) et des réalités sociales (développement durable, écocitoyenneté, cadre de vie, etc…).
Contraintes et libertés
Pour les différents acteurs concernés, on distingue l’obligation de communiquer du libre choix de dire son engagement pour l’environnement.
Les obligations concernent :
— les entreprises cotées en bourse, à travers la publication d’information sur les impacts environnement de leurs activités,
— les institutions spécialisées en environnement, chargées de mener des campagnes sur tel ou tel sujet suite à l’élaboration d’un Plan au niveau national (comme pour le Plan Climat),
— et les associations environnementales reconnues d’utilité publique, tenues d’établir un rapport d’activité.
Ces informations sont exigées par le droit, c’est-à-dire par des lois et des décrets (pour plus de détail sur ce point, consulter le dossier [->art1]).
Le libre choix de communiquer sur l’environnement renvoie à toutes les organisations qui publient des informations sur l’environnement sans y être tenues par le cadre de la loi. Il s’agit par exemple d’entreprises non cotées en bourse publiant des rapports environnement, d’institutions organisant un salon de l’environnement, de médias réalisant un reportage animalier ou d’associations environnementales publiant des ouvrages sur tel ou tel sujet.
Mais concernant les entreprises, cette communication volontaire est à nuancer. En effet, les exigences environnementales appliquées à un grand groupe influencent les standards de ses filiales ainsi que de ses sous-traitants. L’univers de concurrence fait aussi que l’environnement devient parfois un critère de distinction sur certains marchés. En outre, l’évolution de certains secteurs d’activités conduit l’ensemble des entreprises qui s’y reconnaissent à communiquer sur l’environnement ; cela est illustré par le secteur de la chimie, premier secteur en France à diffuser des rapports environnement dès le début des années 1990. Par ailleurs, les exigences des médias, mais aussi la demande d’information croissante de la part du public, créent une autre forme de contrainte que la loi.
L’engagement pour la cause environnementale est ainsi fonction de contraintes propres pour l’entreprise, contraintes internes, mais aussi contraintes du marché, contraintes du secteur d’activité d’appartenance, et contraintes sociétales.
Multiplicité des acteurs concernés
Cette caractéristique est à la base de la complexité des questions environnementales. En effet les acteurs de l’environnement appartiennent à différents statuts : ce sont des élus, des entreprises, des associations, des riverains, des particuliers, des institutions, des journalistes locaux et nationaux, des experts, des juristes, des scientifiques, des parents, des médecins, etc.
Nous les rassemblerons sous 4 grands types :
— les médias,
— les institutions, comprenant les administrations mais également les collectivités locales,
— les entreprises,
— les associations.
Ces quatre types d’acteurs renvoient à des savoirs différents sur les questions environnementales, certains maîtrisant les informations scientifiques, d’autres les informations économiques et d’autres encore les informations juridiques, politiques ou sociales, suivant les sujets. Leurs besoins de communiquer sont aussi différents, suivant les obligations auxquelles ils se réfèrent.
Cette multiplicité d’acteurs engendre ainsi une multiplicité d’approches sur les questions environnementales : économique, politique, scientifique, « NIMBY », etc. Les enjeux portés par chacun sont également très divers : élections, dégagement d’un marché, protection d’une espèce animale, expérimentation de nouvelles techniques, etc.
La juxtaposition de ces approches et de ces enjeux crée régulièrement des conflits entre des acteurs, qui parfois ne parviennent pas à s’entendre sur la façon même d’aborder la question qui les préoccupe. De ce fait, les problèmes environnementaux supposent régulièrement une focalisation des acteurs sur la mise en œuvre de dispositifs de communication adéquats.
Les messages portés en communication environnementale sont donc complexes. Ils sont parfois subdivisés en plusieurs messages, afin de cibler de multiples destinataires. Ils suscitent une attente forte des destinataires, parfois même demandeurs du message, comme les associations de riverains. Les messages sont véhiculés d’un acteur à un autre. En communication environnementale, la distinction émetteur / récepteur perd ainsi de son acuité.
Objet de communication spécifique
La plupart des questions environnementales ont la caractéristique de constituer un objet de communication spécifique, sous deux aspects principaux : l’inconscient humain et le politique.
Tout d’abord, de nombreux thèmes de l’environnement sont liés aux angoisses humaines, c’est-à-dire qu’ils font appel à l’inconscient en renvoyant à la vie ou à la mort. Des exemples permettront de mieux comprendre cela.
Pour les riverains d’un centre d’enfouissement technique d’ordures ménagères (décharge), la vision de leurs propres déchets les renvoie à la décomposition d’objets quotidiens, au rejet de certains ustensiles. Ces images de décomposition et de refus définitif les conduisent à l’évocation de leur propre mort. Une enquête qualitative [[Déchets et Santé. Représentation des risques sanitaires liés aux déchets et à leurs modes traitement, Synthèse du rapport final, GERAL, Ademe, Université Paris 7, octobre 1999. P. 13 : « (…) une fonderie, transforme et requalifie les matières qu’elle reçoit. Elle redonne une vie à des restes. Ici les menaces pour la santé apparaissent moins dominantes qu’à propos des installations de traitement des déchets. »]] auprès de personnes concernées de près par la question des déchets (professionnels et riverains) montre que, le déchet renvoyant à l’angoisse de la mort, tout ce qui concerne cette activité est ressenti comme négatif, en particulier par les riverains des zones de traitement des déchets, surtout en présence d’une usine d’incinération. L’enquête permet d’observer qu’une usine qui produit des objets industriels, comme dans une fonderie, et qui pollue beaucoup, est mieux acceptée qu’une usine d’incinération qui pollue peu. Il n’y a pas d’attitude objective face à la pollution réelle des usines. Il est tenu compte dans le ressenti de la nature des activités de l’entreprise elle-même. L’attitude exacerbée des riverains vis-à-vis des usines d’incinération est à relier au refus du déchet lui-même, qui est liée au refus de la mort. La volonté d’éloigner de chez eux un établissement industriel de ce type traduit ainsi le refus de leur propre mort.
Un exemple récent de l’actualité (mars 2005) montre un autre aspect du problème des déchets : la question de l’emplacement du centre d’enfouissement des ordures ménagères. La construction d’une décharge dans le Bois des Loges, dans le département du Nord, à Beuvraignes, pose en effet problème. Ce lieu est marqué par de nombreux combats lors de la Première Guerre Mondiale. Il s’ensuit que de nombreux poilus sont morts et enterrés sur place. Ce lieu est de ce fait considéré comme une sorte de cimetière de guerre par les habitants des communes limitrophes. La construction d’une décharge sur cet emplacement est ainsi comprise comme une profanation. Cela montre que les personnes sont en relation affective avec les lieux [[Cf. les travaux de l’anthropologue Marc Augé sur les lieux et les non-lieux.]].
La construction d’un centre de traitement des déchets soulève donc à la fois des angoisses, portées par le déchet lui-même, et des difficultés liées à la relation affective que les riverains entretiennent avec le lieu privilégié.
Pour les personnes concernées par une situation devenue irréversible, comme lors de la disparition définitive d’une espèce animale, ou d’un biotope, l’immensité du désastre et l’impossibilité de « réparer » sont source à la fois de culpabilisation et d’angoisse. Cela peut être vrai également lors de grandes catastrophes, comme lors des marées noires, mais aussi sur des questions comme celle de l’effet de serre. Le sentiment de participer chaque jour à la dégradation d’une situation peut entraîner un sentiment de culpabilité. L’irréversibilité de la situation peut déclencher une peur profonde de perte de contrôle, ramenant l’individu à lui-même et à un « lâcher prise » définitif.
D’autre part, les préoccupations environnementales sont liées à la vie politique locale, comme encore dans l’exemple des déchets. Les ordures ménagères sont gérées par les collectivités, cela constitue une obligation légale pour elles. Le choix d’implantation d’une usine d’incinération d’ordures ménagères ou d’un centre de tri peut alors devenir un thème du jeu électoral.
En effet, le choix d’accueillir ou non un établissement industriel dangereux (une « installation classée ») répond à un choix politique. L’enjeu concerne aussi bien les nouveaux emplois et les nouvelles rentrées fiscales générées par l’établissement industriel que les manifestations éventuelles organisées par de possibles mécontents, susceptibles de faire « tomber » un élu. Le calendrier électoral devient ainsi une donnée importante dans la réalisation d’une infrastructure.
La caractéristique de l’objet de communication « environnement » nécessite ainsi une forme de délicatesse dans les pratiques de communication mises en œuvre, c’est-à-dire de connaissance psychologique des ressorts liés au sujet, et éventuellement d’une connaissance historique des liens affectifs unissant le lieu concerné à ses habitants. Cette caractéristique demande aussi une véritable connaissance du système politique local, de sa capacité à prendre une décision et à s’y tenir, et de son agenda électoral.
Incertitude scientifique
Les questions d’environnement sont caractérisées par une forte imprégnation scientifique. Elles sont marquées essentiellement par une réelle incertitude scientifique, revêtant trois aspects.
— Un manque de recul dans le temps. Cela concerne par exemple aussi bien l’effet de serre (les données climatiques anciennes et précises ne sont pas toutes disponibles), que l’évolution des déchets nucléaires (uniquement connue sur de courtes périodes comparée à l’échelle de « vie » de ces matériaux) ou encore que l’évolution d’une décharge d’ordures ménagères dans cinquante ans.
— Un manque de données ou une profusion de données. Les scientifiques ne connaissent pas toujours toutes les données à rassembler ; pour l’effet de serre par exemple, il est encore aujourd’hui difficile de rassembler tous les éléments à mesurer. Il est aussi difficile de tenir compte, en même temps, de l’ensemble des paramètres concernés : à propos de la couche d’ozone, par exemple, certains scientifiques s’interrogent sur le rôle des émanations des volcans, sans disposer des données nécessaires.
— Un manque de moyens. Les laboratoires scientifiques, au sein des universités, ne disposent pas forcément des outils adéquats, c’est-à-dire que les mesures à effectuer ou les expériences à réaliser nécessitent du matériel de pointe souvent coûteux non disponible.
Cette incertitude scientifique est doublée d’une inadéquation des canaux de diffusion, pas toujours adaptés et efficaces. Il est en effet difficile de disposer des moyens techniques suffisants pour rendre compte d’une expérience de laboratoire. A cela s’ajoute la difficulté de vulgariser des données scientifiques.
Cela conduit à introduire le principe de précaution dans la communication environnementale. La commission européenne à travers la direction « Consommation et santé » en donne la définition suivante en 1998 : « Le principe de précaution est une approche de gestion des risques qui s’exerce dans une situation d’incertitude scientifique. Il se traduit par une exigence d’action face à un risque potentiellement grave sans attendre les résultats de la recherche scientifique ». Au niveau communicationnel, l’incertitude scientifique provoque ainsi une véritable difficulté à communiquer. Parce qu’il n’y a parfois rien à communiquer, l’organisaiton est contrainte d’indiquer qu’elle ne sait pas ; cependant elle est tenue de continuer à agir. Cette caractéristique nécessite donc de parvenir à établir un profond climat de confiance entre les acteurs concernés, le plus en amont possible de la rencontre.
Importance des enjeux financiers
Les questions environnementales sont quasiment systématiquement liées à des enjeux financiers importants. En effet, la réalisation, ou la solution à apporter à un problème environnemental, soulève des volumes financiers importants, qu’il s’agisse de pollutions (réhabilitation des sols pollués, marées noires), de catastrophes naturelles (tempêtes, inondations), ou d’infrastructures (fermes éoliennes, transport fluvial, Usine d’Incinération d’Ordure Ménagères), de sensibilisation au tri ou aux économies d’énergie (campagnes nationales et locales).
Cette importance des volumes financiers implique que le choix d’une décision est particulièrement lourd, c’est-à-dire qu’il engage profondément l’organisation qui la prend. Le montage financier peut s’avérer long et complexe sur le plan juridique. De plus, cela ralentit le circuit de décision, qui est en fait plus long. En terme de communication, cela entraîne une réactivité plus lente. Cela explique également un certain nombre de précaution dans le langage avant que les réalisations ne commencent, tant que le montage financier n’est pas totalement arrêté.
Formez-vous.
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